« L'un des points positifs de ne pas voir, c'est que l'on a pas à s'inquiéter de l'aspect de ce qui se dresse devant nous. Alors tu peux autant te décaler de toi-même ou laisser les deux gentils bonhommes derrière moi le faire pour toi. Ton choix ! »

 

Si l'Italie évoque bien des choses, souvent entre l'ambiance des films en noir et blanc à l'odeur de cigare allumé et le romantisme à s'en étouffer la trachée, il semble y avoir bien plus de chose dans ce pays. Née à Naples, Malina Genovese n'a jamais souffert de la faim, de la peur de ne pas savoir où dormir. Néanmoins, même si l'argent peut prévenir bien des problèmes, il peut aussi en créer d'autres : fille de deux hauts-placés de l'administration, Malina n'a jamais vraiment eu la chance de voir ses parents, de les connaître. Petite, une nourrice s'occupait d'elle, adolescente, seules les vacances loin de l'internat perdu dans les montagnes lui permettait de les voir. Ils n'étaient pas méchants, encore moins pourvus de défauts les rendant exécrables. Ils étaient juste de ceux ayant fait un enfant pour répondre à la pression de leur milieu, l'inquiétude de se voir disparaître sans dernière « œuvre » pouvant les honorer. Jamais rien refusée, jamais rien à gérer. Si elle se devait d'être une prodige, intelligente, douée, toujours souriante, claquer des doigts était suffisant pour obtenir ce qu'elle voulait sans même avoir à négocier. Métamorphe de par son père, la jeune fille ne tarda pas à découvrir les bons côtés de son sang... Et les mauvais. Presque incapable de voir, autant les couleurs que les formes après sa première transformation, Malina se trouve obligée d'utiliser une canne pour s'orienter ou d'être aidée. Néanmoins non liée à un incident, cet handicap ne tarda pas à devenir une particularité dont elle ne semble plus se préoccuper de par ses autres sens.

 

Le temps passant, se trouver loin de sa ville natale et des rares personnes de son âge qu'elle côtoyait lui paraissait plus détestable encore. Alors certaine d'obtenir gain de cause, Malina demanda à être envoyée dans une école publique malgré le scepticisme de ses parents. Loin de ces derniers et de leur travail infini, dans une maison uniquement gardée par des gens payés pour à Naples, l'envie de connaître la chaleur de l'amitié, d'un sentiment de famille se faisait plus présente. Alors consciente de l'attirance des gens pour l'argent, entière dans les rares relations qu'elle possédait, elle n'hésitait pas à utiliser de son argent, de son nom pour les protéger, les inciter indirectement à rester avec elle. Figure de grande-sœur en attente de reconnaissance et d'affection, elle se risqua un jour à défendre l'une de ses amies lorsque sa bouche aurait dû rester fermée. Fille d'une famille d'enseignants, Lucy vivait décemment mais voyait souvent son père parler avec des individus visiblement insistants concernant des sommes à rendre. Ce fut à ce moment là que Malina confondit le monde où elle avait tous les droits et le réel, provoquant une réaction en chaîne de par la présence du chef de ce groupe, Popolo, vieillard de soixante-dix ans, plus bon à être traîner en chaise roulante qu'à danser sur une piste. Arrogant et possédant un ego ironiquement plus froissable qu'une feuille de papier, cet affront ne lui avait pas plu. Il la baffa sans ménagement, manquant de l'envoyer dans les pommes avant qu'il ne parte, jugeant bon de régler cette histoire d'argent plus tard sans la présence de « gosses ».

 

Popolo était un vieillard mais un vieillard avec de l'argent, du pouvoir, le genre à diriger d'une main et de boire de l'autre. Et curieuse, Malina ne tarda pas à comprendre le second rôle de ses parents si souvent absents : servir des individus tels que lui. Le crime aussi avait besoin d'une administration après tout et incapable d'y faire quoi que ce soit, la jeune femme ne pouvait que réfléchir alors que beaucoup de ses amis et leurs familles subissaient la pression et les extorsion de Popolo et son groupe. Dire que Malina était une bonne personne serait mentir mais elle était de ceux rattrapant leurs actes et pensées par la volonté de protéger ceux qu'ils aimaient ou qu'ils possédaient en fonction du point de vue.

 

Pas réellement prête à abandonner, encore moins laissée sans ressources ou espoir, elle comprit donc qu'il était tant de faire ses preuves. Malgré son animal loin de se faire aussi fort que les loups, lions et autres mammifères, Malina n'avait pas peur de se salir les mains. Et certainement un peu folle, les années passant près de ce réseau qui ne la considérait que comme une fille de, bonne à suivre les ordres, elle se constitua un petit groupe réunis sous son nom. Et ses études finies, la jeune femme ne tarda pas à se lancer dans la production de tenue de haute-gamme, aidée par cette affinité si particulière avec la soie.

 

Sa réputation augmenta un peu partout en Italie de par la qualité de la firme qu'elle avait créé malgré sa petite taille. Malina avait toujours su ouvrir le bon œil et alors que son image publique se développait, elle faisait en sorte que la deuxième, officieuse, se fraie aussi un chemin : donnant des petits services, ici et là aux autres chefs de groupes et de mafias, elle finit par être considérée elle-même comme la dirigeante d'un groupe nettoyant derrière les autres, huilant la machine. Jusqu'au jour où le besoin de s'affirmer, d'affirmer sa supériorité sur la personne l'ayant humiliée bien des fois se présenta.

 

Pour ce faire, elle voulait frapper fort, quitte à risquer gros et un jour que divers chefs et cheffes de différentes mafia se réunissaient à Rome, elle s'invita avec quelques individus à cette réunion. Pointés de tous les côtés et visiblement peu appréciés pour leur retard -ou cette venue non désirée-, elle s'adressa tout simplement aux différents dirigeants au lieu de Popolo, leur promettant une protection et une libre gestion sur leurs trafics respectifs. Plus d'immenses charges, de droit de cuissage ou autres conneries. Contre une chose, une seule : une allégeance une fois son acte de bienveillance terminé. Tous se regardèrent, curieux de ce supposé acte de gentillesse avant de comprendre, perdus entre fantasme et stupeur. Et pour cause, la cage thoracique à l'arrêt, les muscles étrangement raidis, Popolo venait de mourir, tuer par une chose aussi insignifiante que Malina selon lui : une vulgaire araignée.

 

Malgré sa cécité elle n'avait aucun mal à deviner les expressions. Et alors que l'on dégageait le cadavre encore chaud de ce vieil homme, elle prit place avec ses propres membres. Il est bien connu qu'un groupe sans chef est voué à l'échec et débarrassés de ce parasite autoritaire, le choix ne se portait pas très loin. Plus alliés que subordonnés, c'était à partir de ses vingt-cinq qu'elle trouva un but par le biais de l'Arachné. Installée donc depuis de nombreuses années à Naples, c'est la mort d'un ancien membre qui vient à appeler ce groupe dans une ville de Nouvelle-Zélande : Wellington. Aussi étrange que dingue, il ne faut pas longtemps aux membres d'Arachné pour s'apercevoir du potentiel de ce lieu et telle une araignée tissant sa toile, la semi-métamorphe semble autant prête à jouer près de ceux de son espèce que des extrémistes pour tirer son épingle du jeu.

 

Car après tout, ce groupe particulier, entre la mafia et l'entreprise privé, s'est fait spécialiste des services rendus. Cette fois sous l'apparence d'un hôtel à la création de vêtements. Capable de faire disparaître des individus, autant morts que vivants, de faire passer une chute d'escaliers répétés pour un simple incident, d'assurer protection et nouvelles identités, Arachné se fait rigide et énigmatique de l'extérieur quand elle sait se montrer respectueuse et aimante de l'intérieur. Un client se trouve toujours traité comme un roi, les sans buts acceptés comme des êtres à protéger pour peu qu'ils possèdent la volonté de s'en sortir. A la tête de cette organisation et visiblement peu tentée par le calme des autres villes, Malina s'efforce de composer entre ses convictions parfois extrêmes et cette famille si particulière qui lui aura tant donnée et pris.