L’été étouffant de Buenos Aires touchait à sa fin. La douceur de l’automne était une délivrance pour Leila Rivero qui accueillit son premier enfant comme la terre accueillait la pluie. Une bénédiction. Un bonheur que sa superstitieuse mère n’aurait pu atténuer, et ce malgré ses tentatives. Camilo, l’enfant chéri, petit miracle d’un couple qui n’y croyait plus et, pour l’alpha de la meute Oleada, son abuela, un signe de mauvais augure. Né le treize mars 1997 à précisément treize heures treize, son arrivée provoqua l’évanouissement de sa grand-mère qui, malgré sa force d’alpha, avait tourné de l’œil en posant les yeux sur l’horloge murale. Et s’il avait été ignoré des années durant, le présage demeurait cependant, un rappel constant de l’épée de Damoclès qui pendait au-dessus du chérubin au rire angélique.

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L’épée tomba bien trop rapidement et, dans un geste vengeur, déchira la meute de félins en deux. Alors qu’une nuit pluvieuse voyait Camilo gagner un an de plus, le garçonet s’apprêtant à souffler sa neuvième bougie, la flamboyante Leila Rivero et son compagnon Andrès, s’éteignirent. Loin d’une paisible fin de vie, alors que le temps aurait dû leur offrir des décennies de bonheur, la jalousie d’un homme signa leur fin prématurée. Juan Rivero fut puni pour l’assassinat de sa sœur cadette, et puni pour avoir scindé la meute en deux, mais jamais son exécution ne combla le vide ainsi créé chez Camilo, l’enfant béni devenu orphelin.

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Après la déchirure, la vie de Camilo changea radicalement. Abuela Maria, alpha puissante et respectée, ne pouvait plus se permettre de couver le jeune Camilo, une part d’elle-même songeant encore que la mort de sa fille et successeur n’aurait jamais eu lieu si l’enfant avait choisi un autre jour pour naître. Pensée irrationnelle, elle le reconnaissait parfois, mais c’était ainsi que Maria avait choisi de porter son chagrin. Malgré tout, l’alpha était une femme bienveillante et loyale, aussi Camilo continua de grandir entouré de sa grand-mère et de ses lieutenants, la meute soutenant ce garçon qui portait l’odeur d’un futur dirigeant. Sous le regard plein d’attentes de sa grand-mère, les responsabilités s’empilant sur ses épaules et sous le poids des attentes de la meute, l’enfant devint adolescent. Il apprit à enfouir son chagrin sous des rires, tout comme il apprit à porter le poids de son rang, le fantôme du soutien d’un meilleur ami perdu l’aidant à tenir dans la colère. Il aurait rapidement fini écrasé par la pression si son animal ne s’était pas manifesté très tôt, une force de la nature qui prouva à Camilo que la puissance dont il avait besoin était en lui, tapie dans son cœur et dans le regard d’or du félin.

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Les années passèrent et l’adolescent dégingandé laissa petit à petit place à un homme au sourire charmeur semblant innaffecté par les événements. Préférant apparaître frivole aux yeux du monde que d’assumer la douleur noyant son cœur, Camilo endossa le rôle de lieutenant, soutenant sa grand-mère et sa meute autant que possible. Rapidement, il intégra l’entreprise familiale, Olead Construction, réalisant par hasard que la construction de complexes adaptés aux besoins variés des métamorphes le passionnait. S’oubliant dans le travail manuel, et plus tard dans la conception même de ces projets architecturaux, Camilo s’épanouissait. Durant ces années, le lieutenant se vit octroyer le rôle de lieutenant émissaire, servant de lien entre sa meute et d’autres meutes afin d’établir de nouvelles connexions et de solidifier les anciennes. Parmi elles, la meute Brasier était comme un second foyer, une meute que sa tante avait rejointe en se mariant à un dominant qui lui appartenait. Ayant passé la majorité de ses étés à gambader avec ses cousins sur le territoire de Wellington, Camilo avait apprit à apprécier les lieux et, endossant à l’aube de ses 21 ans la direction de la succursale néo-zélandaise d’Olead Construction, le jeune homme y passait une bonne partie de ses années.

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Ainsi, très rapidement, le lieutenant d’Oleada se mit au service de Brasier, servant les alphas comme il aurait servi son abuela, les soutenant de par sa puissance et sa loyauté. Le jeune homme avait beau posséder une aura de dominance qui aurait pu les rivaliser, le pouvoir n’était pas une chose qu’il convoitait, la jalousie de son oncle qui avait provoqué la mort de ses parents ayant suffi à éteindre toute envie d’usurpation. Malheureusement pour la meute, et plus encore pour le couple si solide, la mort vint les cueillir trop tôt, leur ôtant tout avenir alors que Camilo se trouvait en dehors du territoire, retourné à Buenos Aires pour assister au mariage d’un ami d’enfance. Alors qu’Oleada offrait son soutien à la meute amputée de leur alpha, une idée incongrue et qui sembla pourtant si naturelle germa dans les esprits. Sous les yeux des lieutenants Brasier, Camilo fut appelé à prendre la relève et, puisqu’il n’avait jamais été capable de se défiler face aux attentes des siens, Camilo devint l’Alpha.